Je me mis donc à longer le rivage, juste à l'orée des eaux, tout comme, enfant, je parcourais dans le jardin l'allée qui séparait du monde des herbes sages celui des herbes folles. Le monde des herbes folles, ici, c'était la mer, ses milliers d'algues ébouriffées par les courants et l'anarchie des anémones sous les vagues. Celui des herbes sages, c'était la terre, la claire ordonnance du sable, l'alignement patient des palmes devant le front des vents. Et moi, entre ces deux royaumes, je méprouvais une fois de plus à la lisière de deux promesses qui ne laissaient au coeur aucun répit. Mais, après tout, pourquoi choisir ? Pourquoi ne pas rester à la lisière de deux mondes, me nourrir de la mer, me nourrir de la terre, apprendre leurs deux voies et les unir en moi ? |
Jacques Lacarrière Le pays sous l'écorce page 98 | Illustration : Paul Klee Fleurs nocturnes
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